L’heure est grave en ce jour de Conseil de Communauté où il nous est proposé de voter pour une dépense qui va engager notre territoire pour plus d’une génération.
Imaginons-nous dans 20 ans dans cette même assistance ! Nos successeurs élus seraient là à commenter la portée de notre vote de ce jour. Que peut-on imaginer ? Certains d’entre vous supposent que la postérité nous serait d’une infinie reconnaissance pour avoir sorti ce projet d’autoroute de l’ornière de vingt ans de débats stériles ! Moi, je vois plutôt des élus, furieux que nous ayons plombé l’avenir de notre territoire avec une dette si abyssale, pour un résultat si pitoyable ! Sans oublier déjà les élus du prochain mandat après 2020, qui pesteront chaque année de voir leurs propositions de projets rejetées, « parce qu’il faut payer l’A 45 ! »
Ce résultat pitoyable, ça serait un territoire mité par tout ce bitume, pollué plus encore par cette nouvelle pompe à voitures, vidé de ses habitants tentés par des territoires plus innovants et attractifs, des terres agricoles perdues sous ce macadam, des familles désespérées d’être expropriées de la terre de leurs ancêtres, des risques accrus d’inondations avec toutes ces superficies artificialisées supplémentaires et aussi une économie exsangue, où les emplois sont plus encore partis vers le pôle le plus riche et le plus fort …. et fuyant vers des pôles d’excellence qui avaient su être innovants en 2016 en anticipant l’avenir. Sans oublier qu’avec ce tronçon réalisé pour presqu’ un milliard d’euros, nous ne sommes pas au bout du compte des dépenses à sortir, car il faudrait réaliser des bretelles complémentaires pour joindre La Fouillouse et Brignais aux autres axes routiers ! Déjà l’Assemblée Départementale a commencé dès ce lundi, à engager des dépenses sur les bretelles d’accès du Rond -point de Ratarieux et autres.
Tout ça pour ça !!!
Imaginons un seul instant tout ce que ces moyens budgétaires auraient permis de réaliser en lieu et place de l’A45 par un aménagement de l’A 47 et la mise en place d’alternatives !
– Ces alternatives au tout voiture auraient pu être mises en place comme sur d’autres territoires qui ont su anticiper : lignes TER cadencées avec une plus grande amplitude diurne et des trajets tard le soir, tram de cabotage dans le Gier, service structuré de mobilité durable autour notamment du covoiturage, transport par câble, vélos à assistance électrique permettant des trajets quotidiens des 15 kms, auto partage généralisé, …
– Des corridors écologiques préservés, un habitat intelligemment densifié pour permettre des zones naturelles voisines bien vivaces, des bâtiments efficacement isolés et qualitativement conçus avec des matériaux bio-sourcés, notamment pour réduire la précarité énergétique qui fait également des dégâts en terme de santé publique .
– Une économie relocalisée avec des circuits courts, des temps pour vivre pour sa cité et pour ses proches libérés par ces économies de trajets pendulaires, une alimentation de qualité combinée avec des liens de proximité avec nos producteurs agricoles, une empreinte écologique rendue bien sobre et facilitant une qualité de notre cadre de vie, et quand même du télétravail pour ceux qui travaillent trop loin !
Alors, en ce jour grave, il est temps d’oublier un instant les calculs électoraux de court terme, le poids de certains lobbys économiques qui ne voient que l’énergie du « tout, tout de suite, maintenant… », les petits arrangements pour faire bien voter en échange de quelques subsides à court terme pour les communes, …
– Qu’est-ce que cette économie locale qui préfère créer des emplois ponctuels et virtuels pour des travaux d’autoroute, plutôt que protéger des emplois agricoles de proximité qui existent depuis des années, pour garantir sur ce territoire notre alimentation de qualité d’aujourd’hui et de demain ?
– Qu’est-ce que cette économie qui préfère laisser faire la « pollution qui tue plus que l’alcool », plutôt que d’innover en sortant de l’addiction aux trajets routiers et aux déplacements fossiles ?
– Qu’est-ce que ce projet dépassé d’un logiciel du passé, justifié pour créer des emplois dans le secteur du bâtiment, alors qu’il y a bien d’autres façons de créer des emplois non délocalisables et bien plus utiles tant pour les habitants que pour préserver le climat ? Notamment des travaux d’isolation thermique pour des milliers de logements !
– Qu’est-ce que ce projet au coût abyssal, dont les retours sur investissement sont bien faibles : 63 millions de retombées économiques sur l’économie locale pour un coût public de plus de 800 millions d’euros ! Même pas 8% de rendement ! Que c’est pitoyable ! Sans oublier l’indemnité de déchéance qui prévoit que ce seraient les collectivités locales qui financeraient le déficit d’exploitation si le concessionnaire se retire ! Des prises de risque inconsidérés, même si les taux d’intérêt sont faibles ! Pendant ce temps, d’autres collectivités sont plus audacieuses, en innovant dans les techniques du XXIè siècle vers une économie circulaire et de transition écologique : elles seront performantes et avec des modèles adaptés face aux ressources raréfiées et aux nouveaux défis climatiques, quand nous, nous serons restés bloqués, accrochés à des modèles du passé, nous handicapant pour l’avenir. Nous resterons les derniers de la classe, à courir après la chance qui ne nous sourira plus.
– Qu’est-ce que ces modèles économiques où l’on cherche sans cesse à augmenter le diamètre des tuyaux, au lieu de chercher à maîtriser le débit des flux ? Ailleurs, des collectivités ont su éviter la fuite en avant vers des infrastructures (métros, autoroutes, …) toujours plus nombreuses et grandes, en mobilisant des Bureaux du Temps, qui travaillent à étaler l’usage des moyens de déplacement en jouant sur les horaires de débuts et de fins de poste de travail des Universités, des entreprises, … L’ A47 n’est saturée qu’à quelques moments de la journée !
– Qu’est-ce que cette démocratie où des élus communautaires ont peur des risques de représailles sur les financements de leurs projets communaux ?
C’est l’heure de se relier un instant, à la force de notre territoire, riche aussi de son agriculture de proximité, de ces terres nourricières généreuses en fruits de qualité, d’entendre le chant de la terre de nos ancêtres qui l’ont travaillée, peuplée, chantée et qui ont cru en elle …
Laissez-moi rêver quelques secondes ! J’imagine que nous les élus, nous nous identifierons à notre territoire aussi rural qu’urbain, et que nous sentirons cet élan de vie, pour préserver ces petits coins de paradis, ces lieux vivants remplis de mémoire et d’un passé si riche. Je veux encore espérer que dans ces Coteaux, nous pourrons encore entendre la caresse du vent, le chant de l’eau qui nourrit ces collines ondulantes .
Je veux croire, que face à cet avenir incertain, confronté à tant de bouleversements climatiques, nous saurons, ENSEMBLE, ce soir, préserver ces essentiels non monnayables, irremplaçables pour nos enfants et petits-enfants et préférer mobiliser ces immenses sommes budgétaires pour créer des emplois non délocalisables et pérennes pour financer la transition énergétique.
Je vois le regard de mes petits -enfants dans vingt ans, nous dire MERCI pour avoir protégé la vie de ce territoire, pour avoir préservé ces espaces encore naturels, pour avoir su défendre ces terres nourricières si précieuses, pour avoir OSE innover et anticiper avec d’autres méthodes que ces autoroutes d’un autre temps et ce projet du passé dépassé !
Ce jour, des militants en provenance de diverses organisations locales et très mobilisés sur les questions climat, sont présents dans cette salle du MAM pour assurer leur droit de vigilance citoyenne face à ce vote sur un projet coûteux, inutile et climaticide. Ces militants sont décidés à afficher publiquement le vote de tous ceux qui choisiront d’endetter notre collectivité métropolitaine pour les trente à cinquante ans à venir.
– Nous devons dépenser intelligemment, pour investir d’abord dans la transition écologique et l’adaptation au changement climatique, notamment en investissant plus et de façon plus cohérente pour des projets plus ambitieux avec TEPOS / TEP – CV. Nous devons prioriser la qualité de tous les services publics, avant d’éponger le déficit d’une entreprise privée. Nous devons mobiliser intelligence et créativité pour inventer notre DEMAIN qui se doit d’être sobre et centré sur le local, nous avons le devoir de respecter les engagements de la COP 21.
– Nous, les élus, ce soir, nous avons des comptes à rendre à nos administrés, qui refusent de payer plusieurs fois cet « impôt A45 » avec le péage, les impôts locaux à chaque étage et l’indemnité de déchéance, en cas de déficit pour Vinci. Nos électeurs / électrices refusent que nous endettions notre territoire pour trente ou cinquante ans et à un tel niveau, à un moment où les finances publiques sont partout réduites de façon drastique.
– Enfin, sachons rester vigilants et prudents ! M. Perdriau nous fait croire que les 140 millions d’euros de la Région Auvergne Rhône Alpes, curieusement sortis du chapeau ces jours, nous sont garantis. Pourtant rien n’est moins sûr : différents recours contre les financements publics de cette infrastructure privée ont été engagés. Si l’un d’eux ou la totalité aboutissait, la facture de St Etienne Métropole n’en serait que plus lourde. Notre Communauté Urbaine serait contrainte de rajouter encore 20 millions d’euros à l’addition ! Une paille …
Ce soir, moi salariée d’un service public de santé, j’ai mal, de constater que certains ont le droit d’endetter notre territoire pour plus d’une génération pour un projet privé dont l’utilité est si contestable, alors que nos hôpitaux sont quasiment interdits d’investissement pour les années à venir, même pour des projets vitaux pour la vie quotidienne des usagers et des soignants ! Cruel deux poids, deux mesures !
Pour cela, ce soir, il n’y a qu’un vote qui vaille :
– NON à ce projet dépassé du passé qu’est l’A45 ! OUI pour préserver la qualité de nos services publics !
– OUI à des projets innovants, de mobilité durable et de développement local pour vivifier notre territoire. « Vivre et travailler au pays », un paradigme basé sur un autre modèle que celui de la tomate qui fait mille kms jusqu’à notre assiette.
– Ce soir, votons pour l’avenir de notre Communauté Urbaine, en refusant la fuite en avant et en la centrant sur des projets qui contribuent à construire des territoires en transition énergétique.
Anne de Beaumont, conseillère Europe Ecologie Les Verts de St-Etienne Métropole