// Fiche pratique // Novembre 2010 //
Vices privés et vertus publiques
(Titre d’un film du Hongrois Miklos Jancso, repris dans Libération du 13 février 2009 pour une tribune d’Odile Belinga avocate, Ligue des droits de l’homme et d’Etienne Tête, Elu Europe Ecologie – Les Verts au sujet de Google Street View)
Respect de l’intimité
MALGRÉ LA GARANTIE D’ANONYMAT, LE SYSTÈME SE SITUE AUX LIMITES DE LA LOI
Après avoir fait circuler des véhicules équipés de caméras numériques, l’entreprise a mis en ligne des images de toutes les grandes villes de France (rues, places, habitants…).
L’internaute peut se déplacer dans des quartiers «comme s’il y était». Les images sont statiques.
Certes, pour garantir une forme d’anonymat, un logiciel rend flous les visages et les plaques d’immatriculation. Mais le système n’est pas parfait.
Des visages ne sont pas «floutés», c’est souvent le cas des gens de couleur. Il en est de même de certaines plaques d’immatriculation. Des tests montrent que les personnes connues sont reconnues.
VIVRE EN GRIS ?
Un être n’est pas seulement distingué par son visage ou une voiture par sa plaque. Des vêtements originaux caractérisent la personne. Une voiture singulière peut être significative.
Tout le monde ne doit pas être contraint d’exister en gris, dans une voiture grise, pour ne pas être reconnu. Le préjudice pour un citoyen n’est pas seulement d’être reconnaissable, il est également de penser qu’il peut l’être.
Sur le plan juridique
L’AVANTAGE COMMERCIAL S’EFFACE DEVANT LE RESPECT DE LA VIE PRIVÉE
– Le Code pénal ne réprime que l’enregistrement de l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé, sans le consentement de celle-ci.
– En revanche, le Code civil retient un principe général d’interdiction de publication, notamment commerciale, de l’image d’autrui sans son agrément, sauf unique exception qu’est le droit à l’information.
LA COMPETENCE DU MAIRE
– L’art R. 644-3 du code pénal reconnaît au maire le droit de réglementer les activités porfessionnelles sur le dommaine public. La captation d’images sur le domaine public peut donc être réglementée par le maire.
LEGISLATION DE LA VIDEOSURVEILLANCE
– Les images de Google Street View sont successives, ce n’est pas réellement de la vidéo, ce n’est pas non plus seulement de la photo. La loi de 1995 sur la vidéosurveillance peut s’y appliquer. L’interprétation du Conseil constitutionnel est claire : toute vidéo privée de, et sur, l’espace public est interdite.
PEU DE MOYENS D’ACTION
– Chaque citoyen peut saisir le juge en cas d’atteinte effective à son image et même, de l’obligation qui lui est faite de vérifier. Mais la législation française ne reconnaît pas l’action collective et les frais importants de procédure.
– Des centaines de milliers d’Allemands ont demandé que la photo de leur habitation soit retirée de Google Street View, avant le lancement du service. Le gouvernement allemand menace les sites Internet utilisant la géolocalisation de légiférer s’ils ne s’autorégulent pas.
Reprise sans avis favorable de la CNIL (commission nationale informatique et liberté)
A la suite de la collecte illicite d’informations personnelles au passage des véhicules, Street View et notamment au travers des bornes Wi-Fi des riverains, la CNIL a mis en demeure Google de cesser toute collecte de données à l’insu des personnes concernées, et de lui fournir des informations sur les modalités de recueil de ces données.
Pour le moment, la CNIL confirme que Google a bien enregistré des mots de passe d’accès à des boites mail, à l ‘insu des personnes, ainsi que des extraits de contenus de messages électroniques et que le service Street View fournissait des informations utiles à d ‘autres services de Google Maps et notamment à Google Latitude.
Pour assurer ce nouveau service de géolocalisation, Google s’appuie sur les fonctions GPS des téléphones mobiles, mais aussi sur des données issues du réseau GSM ou les points d ‘accès Wi-Fi à proximité de l ‘utilisateur.
Une partie des informations contenues dans la base de Google a ainsi été recueillie par les véhicules de Google Street View. Dès lors, la CNIL a rappelé à Google qu ‘il devait se mettre en conformité avec la loi Informatique et Libertés en déclarant le service Latitude.
Alors même que les investigations de la CNIL ne sont pas terminées, la reprise de la circulation des véhicules Street view le 20 août 2010 apparaît prématurée.
Des propositions Europe Ecologie-Les Verts
– Vigilance : la multiplication de ces dispositifs grignote insensiblement (avec notre accord implicite bien souvent) nos espaces de liberté.
– Moratoire : pas de reprise d’activités de Google sans avis favorable de la CNIL