Ecologie et pauvreté // Intervention de Dominique Voynet
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Je voudrais d’abord remercier les Verts de la Loire d’avoir organisé une réunion publique sur ce thème et d’y avoir invité à la fois une militante verte élue de la Seine Saint Denis, qui est le département le plus pauvre de France, et Martin Hirsch, le Président d’Emmaüs.
Je voudrais à mon tour remercier Martin Hirsch qui a accepté de débattre en compagnie des Verts sur ce sujet.
Dans une démocratie normale, il est indispensable qu’en toute indépendance des uns et des autres, associations, syndicats, entrepreneurs, citoyens et partis politiques échangent ouvertement et publiquement sur les sujets d’intérêt général.
Alors qu’on radie à tour de bras dans les ANPE pour dégonfler les statistiques du chômage, je ne citerai que deux chiffres, très alarmants : un million d’enfants vivent en France en dessous du seuil de pauvreté et notre pays compte un million de travailleurs pauvres.
La question de la pauvreté est en France tellement importante, elle résiste tellement et si durablement aux politiques traditionnelles, que nous devons prendre le temps de nous écouter et de partager des éléments de solutions.
Je suis aujourd’hui stupéfaite de la façon dont le gouvernement actuel prend des décisions hâtives, simplistes et profondément brutales sur à peu près tous les sujets.
Je suis inquiète de voir comment des considérations purement démagogiques et électoralistes ont pris le dessus chez lui sur toutes les autres considérations de bon sens et d’intérêt général. Je m’alarme surtout des résultats de ces décisions, qui opposent des bouts du pays aux autres et alimentent la ressentiment de tous contre chacun : un jour les polygames, le lendemain les rappeurs, le surlendemain les parents irresponsables.
Je crois que face à la nouvelle droite, la gauche a sans doute pris une longueur de retard mais nous pouvons rattraper ce retard en proposant des solutions collectivement élaborées qui tiennent compte de tous les aspects des problèmes, y compris si elles remettent en cause quelques unes de nos certitudes antérieures.
Alors, dans cette courte introduction et puisqu’on nous attribué à chacun 20/25 minutes, je voudrais suggérer en quoi le traitement des questions écologiques et le traitement des questions de pauvreté empruntent forcément des démarches et des dynamiques voisines.
Trop souvent, on entend dire que les questions écologiques sont une sorte de luxe, une espèce de supplément d’âme qualitatif à régler quand on a fait avancer d’autres questions plus urgentes.
En somme, un problème de qualité de vie pour les classes moyennes supérieures des pays riches. Donc on s’occuperait d’abord des priorités économiques, on pourrait même s’occuper ensuite des questions sociales puis ensuite seulement on ferait de l’environnement.
On a d’ailleurs longtemps nié que les problèmes de pauvreté étaient des problèmes en tant que tels et affirmé avec une assurance tranquille que la croissance règlerait aisément ce problème provisoire.
Il suffisait de mettre en place des dispositifs d’attente ou de transition mais l’attente et la transition deviennent un peu pesantes !
Depuis des années, nous les Verts, nous expliquons que les choses ne fonctionnent pas vraiment comme cela.
D’abord parce que ce sont les populations les plus pauvres qui sont touchées le plus souvent à la fois par les problèmes d’emploi, de logement ou de violences et par les problèmes de pollution ou de santé liées à la dégradation de l’environnement.
Nous le voyons bien à travers l’actualité mondiale : les groupes sociaux les plus vulnérables aux récentes tempêtes aux Usa étaient bien celles qui avaient la plus faible mobilité. Même remarque pour le tsunami aux Philippines et même remarque encore pour les pollutions chimiques récentes dans le Nord de la Chine.
Les conséquences du changement climatique feront sentir leurs effets les plus tragiques sur les populations des deltas pauvres et la progression du désert en Afrique aggravera en premier lieu les difficultés des paysans les plus fragiles du Sahel.
Ce qui est vrai chez les autres, l’est également chez nous : le désastre sanitaire de l’amiante qui va faire cent mille morts en France concerne les populations ouvrières des usines les plus dures des années 60/70. Le cas, bien connu de tous de l’usine Metaleurop a mis en évidence la désinvolture ou plutôt le cynisme d’un certain nombre de patrons -voyous et sur le terrain des pollutions et sur celui de l’emploi.
Les énormes concentrations de produits toxiques manipulées dans la chimie et visées aujourd’hui par la directive européenne Reach, affectent en premier lieu les salariés et les consommateurs les moins bien protégés,les habitants des quartiers les plus exposés aux nuisances industrielles.
D’une façon plus générale, nous savons tous que beaucoup de ces fameux quartiers dits sensibles des grandes villes, concentrent, bien au-delà de leur cadre de vie immédiat, des tas de nuisances sonores atmosphériques et j’allais dire visuelles : j’ai en tête nombre de cités de la Seine Saint Denis, coincées entre une zone industrielle, des bretelles d’autoroutes et des voies de chemin de fer, quand ce n’est pas un incinérateur, un aéroport ou une centrale thermique.
Le simple recoupement donc des cartes des pollutions et des indicateurs de santé publique suffit donc, quand on les croise avec les cartes du chômage ou des allocataires du RMI à prouver que l’exposition à un environnement de mauvaise qualité est en soi un facteur aggravant de pauvreté.
Quand vous ajoutez à la dégradation du contenu du travail et celle de l’alimentation, les risques qui pèsent sur l’emploi, la ségrégation territoriale liée à des transports collectifs insuffisants, vous avez des pans entiers de notre société qui cumulent des facteurs de risque sociaux, environnementaux, sanitaires et de « mise à la périphérie » de la société.
Ce simple constat suffirait pour affirmer que l’Ecologie politique ne peut être que populaire, les écologistes eux mêmes font bien de se le répéter.
Mais je crois que cette observation ne suffit pas à décrire la démarche originale que souhaiteraient les écologistes à propos des questions de pauvreté.
Cette originalité réside à mon avis potentiellement dans deux dimensions : la première touche à la priorité qu’il faut donner à la prévention sur la réparation.
La seconde concerne le lien entre les politiques publiques globales et la responsabilité des groupes et des personnes.
On me pardonnera de faire un peu schématique mais nous aurons l’occasion d’être plus précis dans le débat.
Alors première dimension, la priorité à la prévention sur la réparation :
Nous vivons sous la dictature de l’urgence et sous la pression de l’actualité : un problème survient, un accident climatique, une catastrophe industrielle, une vague de froid, une usine qui licencie massivement, un bâtiment qui brûle tragiquement : la presse met le problème à la une, les gouvernements communiquent, ils nomment des groupes d’experts chargés de rendre rapport, le parlement fait une loi qui, selon l’expression célèbre, vise à « ce que pareils évènements ne se reproduisent pas ».
Au delà de son caractère scandaleux pour la démocratie , le fait que le gouvernement ait ainsi décrété l’état d’urgence en dit long sur sa façon de voir les choses !
Et puis on passe au sujet suivant. Les émotions sont maîtres de la décision. C’est l’intensité des images qui fixe la force de l’indignation. Il en a été ainsi par exemple des plans successifs sur les banlieues, qui ont ainsi perdu au fil des ans et malgré telle ou telle réussite, toute crédibilité.
Les dispositifs d’urgence s’empilent sur les dispositifs prioritaires et ils sont parfois contradictoires entre eux :
La semaine dernière encore, devant les caméras, le premier Ministre demandait aux centres d’hébergement d’accueillir plus longtemps les Sdf qui ont un contrat de travail, mais le même Premier ministre oubliait soigneusement de dire où et comment il fallait héberger les Sdf sans travail et habituellement logés dans les mêmes centres.
Cette dictature de l’urgence aboutit à des petits bouts de politique partielle qui ne font pas de politique globale
Depuis des années, l’absence de politique de logement diversifié, la course à l’accession à la propriété qui fait flamber les prix du foncier , l’incapacité des pouvoirs publics à accompagner les évolutions familiales et culturelles, ont bloqué dans le logement social ceux qui devraient en partir. Elles ont enfermé à leur tour dans les hébergements provisoires ceux qui pourraient accéder aux HLM et ainsi de suite sur toute la chaîne.
Autre exemple : la mauvaise politique répressive suivie aujourd’hui en matière de droit d’asile place dans des situations extraordinairement précaires des personnes parfaitement aptes à trouver un emploi et un revenu,ce qui engorge les services sociaux, et mobilise inutilement des efforts qui seraient mieux placés ailleurs.
Autre exemple encore : Depuis des années, les gouvernements poussent les entreprises ou les associations d’insertion à une politique de « productivité » maximum de retour à l’emploi dans l’entreprise traditionnelle : le résultat est que nombre d’entre elles sont obligées de sélectionner à l’entrée les personnes qui sont le plus près de l’objectif et laissent sur le côté celles qui en auraient le plus besoin de leurs services .
C’est exactement le même problème qu’en matière d’environnement : on est dans l’incohérence absolue.
Ici, la politique de déchets court après la surconsommation d’emballages,là on parle de substituer aux carburants fossiles certains carburants d’origine agricole qui vont remplacer des problèmes d’émission de Co2 par des problèmes de surconsommation d’eau.
Bref, des solutions à l’emporte pièce qui déplacent les problèmes ou en créent d’aussi importants.
A cette façon de faire, les écologistes proposent qu’on expérimente d’autres méthodes et qu’on se fixe d’autres objectifs, fondés sur l’anticipation et sur la cohérence.
Des objectifs fondés sur l’anticipation d’abord.
Deux exemples illustrent mon propos :
On peut bien mette à côté de l’Ecole de la République tous les dispositifs de réparation et de transition qu’on veut pour les 150000 jeunes qui sortent sans qualification ni diplôme : la vraie question à laquelle nous n’avons pas eu de réponse à travers les réformes antérieures est celle de comment on fait en sorte que l’Ecole obtienne des résultats avec toutes les catégories d’élèves, comment faire qu’elle cesse d’être aussi une machine à exclure ,comment elle peut adopter des normes de travail et de pédagogie différenciée qui tiennent compte de la diversité des jeunes de notre pays. Car les exclus de l’Ecole d’aujourd’hui sont les exclus tout courts de demain.
Proposer l’apprentissage à 14 ans pour les élèves les plus en difficulté, c’est une solution pire que le mal. A l’autre bout de la chaîne, s’occuper des meilleurs élèves des banlieues par des dispositifs d’excellence, c’est ne traiter le problème qu’en surface : ce dont a besoin notre école, c’est d’une réforme profonde des temps scolaires, du découpage des cycles et des programmes, de la formation des enseignants et des directions d’établissement. C’est d’une autre répartition des moyens et des effectifs même à moyens globaux constants. C’est d’une autre articulation entre les intervenants du « dehors » et ceux du « dedans »
C’est exactement la même chose pour les politiques d’emplois : les pouvoirs publics font mine de s’étonner des vagues de licenciements dans la chaussure et le textile alors qu’on est informé depuis dix ans des conséquences prévisibles des accords internationaux dans ces domaines !
Qu’a-t-on fait pour s’y préparer ? On se bouche les yeux !
Et pendant ce temps, la plupart des élus continuent à se réjouir benoîtement de l’installation de n’importe quelle usine, par exemple d’automobiles, dont on sait pertinemment que dans moins de cinq ans la plupart connaîtront de graves problèmes d’emplois, soit parce que les marchés locaux sont saturés, soit parce que la concurrence d’autres pays est très forte dans ces domaines.
Là encore, on sait pourtant parfaitement que les personnes qui ont passé des années sur le même poste de travail dans des usines qui les licencient entre 45 et 50 ans dans des territoires sinistrés seront immanquablement les plus pauvres de demain.
Si on est incapable à l’avenir de penser des formes d’activités durables moins sensibles à la conjoncture et aux risques de délocalisation, si on ne veut pas donner aux salariés un pouvoir de négociation qui reconvertisse par anticipation les productions et les qualifications, si on ne prend pas en compte l’idée de la sécurité sociale professionnelle, alors on continuera à courir derrière l’économie, on passera la serpillière à côté du robinet qui continue à fuir.
Des objectifs fondés ensuite sur la Cohérence :
Un seul exemple suffira cette fois à ma démonstration.
On n’arrête pas de débattre à la télévision des questions de changement climatique, de raréfaction des ressources pétrolières à bon marché, tout le monde s’accorde à dire qu’il faut réduire les consommations et on a bien raison : arrive le débat sur les taxes sur l’essence .
Et chacun, face à l’augmentation du prix à la pompe, à gauche et à l’extrême gauche d’enfourcher le thème démagogique de la réduction pour tous de la TIPP au motif d’ailleurs assez vrai que les pauvres sont en général proportionnellement les plus frappés par les hausses de prix que les riches.
Oublié l’objectif écologique ! Oubliées les recettes fiscales dont on a justement besoin pour les politiques d’école de santé et d’équipements collectifs. Oublié que les problèmes de pauvreté ont de tas de cause plus significatives que le prix de l’essence et en particulier la stagnation des bas salaires et des minimas sociaux.
Oublié que si les pêcheurs ont vu chuter leurs revenus, ce n’est pas parce que le pétrole augmente mais parce que les lieux de pêche sont cinq fois plus éloignées qu’avant en raison de la disparition de la ressource.
Alors, anticiper, prévenir, être dans la cohérence, cela signifie aujourd’hui en matière de lutte contre la pauvreté comme dans les autres domaines, avoir une politique d’ensemble, qui joue non pas sur un levier unique mais sur un ensemble de dispositifs coordonnés (logement, santé, éducation, alimentation, accès au crédit, discriminations) avec deux axes clairs : Arriver dans les quinze ans qui viennent à fournir à tous une activité ou un revenu décent.
Martin évoquera sans doute dans son exposé des propositions qui à bien des égards recoupent celles des Verts et qui se sont centrés de façon prioritaire sur l’objectif concret, à l’instar de ce qui est tenté en Grande Bretagne, de ramener à zéro le nombre d’enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté.
Pour nous, il est clair que ces deux priorités du seuil d’activité et du seuil de revenu, imposent en premier lieu un type de politique économique et sociale qui tourne le dos à bien des mauvaises habitudes et je n’en évoquerai que les caractéristiques principales :
 Une politique industrielle plus riche en capacité de production d’équipements collectifs par exemple ferroviaire, naval, de prévention des risques naturels, et d’énergies nouvelles.  Une priorité claire à la consommation de biens collectifs sur les biens individuels, à la ville rassemblée sur la ville dispersée, à la mixité territoriale sur la séparation sociale.  Un basculement des économies d’énergie réalisées par une consommation plus sobre et plus efficace vers la construction massive de logements et de transports collectifs.  Une réhabilitation de l’impôt, une fiscalité mieux répartie, plus égalitaire et plus écologique.  Un vaste secteur d’économie sociale et solidaire à travers la promotion des activités associatives, coopératives et mutualistes qui puisse prendre en charge, de façon contractuelle avec l’Etat et les régions, des formes particulières d’expérimentation sociale.  Une Augmentation des minimas sociaux, l’expérimentation du revenu d’existence, et en particulier la possibilité de cumuler un revenu de transfert et un revenu d’activité.
Le raisonnement des verts est au fond le suivant : dans une situation durable de croissance sans emploi, il n’y aura pas de progrès dans la lutte contre la pauvreté si ne sont pas mis en cause progressivement, politique après politique, l’orientation même de l’économie actuelle, ses fondements, sa logique de gaspillage et ses contradictions fondamentales
Alors c’est à ce point que je voudrais évoquer la seconde dimension de mon propos et j’irai un peu plus vite, c’est-à-dire le lien entre les politiques globales et la mise en responsabilité des groupes et des personnes.
Nous avons coutume d’insister, nous les Verts, en matière d’environnement sur le geste qui préserve l’environnement et réduit le gaspillage.
Nous défendons au fond cette idée que la transformation globale sera aussi l’addition de petits gestes simples, individuels et collectifs qui sauvent la planète.
Ce n’est pas là une volonté chez les écologistes d’imposer une morale plutôt qu’une autre : mais plutôt l’idée que chacun de ces gestes nous aise à réduire la dépendance et à créer de l’autonomie et de la solidarité.
Il est clair que la lutte contre la pauvreté nécessite aussi un lien entre les politiques globales et la responsabilité de chaque acteur.
Il est absolument scandaleux qu’on ne propose aujourd’hui ces gestes de solidarité que sur le registre de la charité, c’est-à-dire non pas comme le prolongement nécessaire de la solidarité collective mais comme le substitut des défaillances de l’action publique.
Du coup, chacun de nos propres concitoyens se sent dédouané de la façon dont il gère par ailleurs ses propres réactions face à la pauvreté.
Or un certain nombre de comportements posent évidemment problème en la matière : nous vivons dans une société ou chaque groupe essaie de plus en plus d’éviter ou de fuir le groupe qui lui semble être socialement à l’étage du dessous, et à aligner sa façon de vivre sur celles du groupe du groupe supérieur.
Ainsi des stratégies de contournement de la carte scolaire ou de fuite vers l’enseignement privé censé être plus sécurisé, ainsi des pétitions contre l’implantation d’un centre d’accueil pour les SDF ou contre les mendiants en centres-villes, ,ainsi la stigmatisation de familles dites à problèmes.
C’est sur ces peurs que surfe aujourd’hui la droite la plus conservatrice dont la politique de sécurité n’est en fait qu’une politique de séparation et de cloisonnement entre territoires riches et territoires pauvres dont les multiples vexations policières sont l(illustration parfaite :
Elles n’ont pas essentiellement pour rôle de lutter contre la délinquance, elles ont pour objet d’entraver la mobilité des pauvres vers les centres-villes ou les autres quartiers.
Nous assistons ainsi à un enchaînement infernal entre les politiques répressives / ségrégatives et les comportements de fuite ou de conflit dans la société elle-même.
Le tout nous fait collectivement régresser vers des périodes beaucoup plus anciennes, ou nous aligne sur des modèles de ville qui sont d’une autre nature que les traditions européennes.
Il est évidemment grand temps d’inverser la tendance :
Cela passe par des priorités claires et les écologistes comme toute la gauche doivent annoncer la couleur, et pas seulement en terme de moyens :
La reconquête des centres-villes par la mixité sociale en matière d’habitat plutôt que la course aux bureaux et aux immeubles de prestige.
L’obligation pour toutes les communes de se conformer à la loi en matière de construction de logement social,
L’implantation d’équipements collectifs de qualité et de services publics dans les quartiers qui inversent les flux de population, la multiplication des lieux de parole et d’écoute dans ces quartiers, en particulier pour les femmes.
La construction de transports collectifs qui permettent aussi à chacun de sortir de l’enfermement de sa cité ou de son centre ville.
La concentration des moyens de l’Education pas seulement sur des catégories de territoires mais en fonction des ressources des familles qui fréquentent les établissements.
Une réorganisation de la police qui ne tienne pas seulement à la proximité mais à la façon dont un commandement cohérent distingue et articule lutte contre les incivilités, répression de la délinquance de proximité et trafics plus importants.
Une politique carcérale qui arrête de fabriquer des désespérés ou des caïds à gros bouillons.
Voilà ce que la gauche et les écologistes doivent avoir le courage de proposer à leurs électeurs y compris à contre-courant des thématiques sécuritaires dominantes. Et ce ne sont là ni politiques angélistes, ni politiques irréalistes.
C’est la condition pour que recule l’indifférence qui tend a caractériser la relation entre les groupes sociaux ou ethniques différents, à dégrader les relations entre les générations et à n’ouvrir comme espace de solidarités que les seuls espaces communautaires.
C’est la condition pour que nos sociétés soient davantage attentives aux accidents de la vie qui, en se cumulant, déclanchent des spirales de dégringolade qui nécessitent plus de temps à être inversées qu’il n’a fallu de temps pour y être entraîné.
Mais ces politiques n’auront de légitimité et ses engagements civiques aux côtés des plus fragiles qui sont nombreux d’ores et déjà n’auront de sens, que si sont offerts à tous les habitants des espaces transparents de décision publique et de débat démocratique.
Comme les conflits environnementaux, les tensions dans les villes entre les groupes sociaux sont souvent des conflits d’usage et de proximité qui peuvent se traiter et se résoudre par la délibération.
La frilosité de certaines équipes municipales à doter les conseils de quartier d’une véritable capacité budgétaire ou à faire élire leurs représentants, prive ainsi la relation sociale de lieux d’écoute et d’arbitrage, elle limite les possibilités d’expérimentation, elle rebute l’activité associative qui entretient pourtant en permanence le lien social.
Elle encourage la « fuite des cerveaux ».
Tout comme la complexité de l’accès aux fonds ou aux dispositifs d’aide sociale ou d’aide à l’initiative décourage les meilleures stratégies d’accompagnement bénévole, ce qui appelle sans doute une simplification des procédures et des guichets ,une plus grande transparence des décisions,une meilleure évaluation collective des résultats.
Construire une politique de lutte contre la pauvreté, c’est donc donner à un maximum de citoyens la possibilité d’être un intervenant, un médiateur, un co-décideur de son propre environnement social.
C’est à cette condition aussi que des acteurs plus institués accepteront de sortir de leurs prés carrés, de conclure de nouveaux compromis positifs et de rejouer leurs propres qualifications professionnelles.
Dans ce pays, il est par exemple de bon ton de critiquer l’immobilisme des fonctionnaires, des travailleurs sociaux ou des enseignants : moi je crois qu’ils sont prêts à sortir d’un certain immobilisme si la réforme ne signifie pas une nouvelle dégradation de leurs conditions de travail mais un enrichissement de leurs taches, si elle ne signifie pas une insécurité plus grande mais une amélioration de leurs relations aux personnes qu’elles ont en charge d’accompagner.
Vous l’aurez compris, les Verts, dans la lutte contre la pauvreté, n’attendent pas tout des leviers d’en haut et même ils souhaitent que les politiques soient plus largement et surtout mieux décentralisées que ce n’est le cas a l’heure actuelle.
Ils souhaitent, sur fond de droits consolidés pour tous, que l’accès a ces droits soit mieux adapté aux cas particuliers et aux situations concrètes.
Dans ce domaine là comme dans tous les autres, le choix n’est pas entre + d’Etat et + de responsabilité ou entre société d’assistance et société du mérite, entre défense du modèle social français et réforme de ce modèle comme les bons apôtres de la droite essaient aujourd’hui de nous le faire croire.
Il est de savoir si nous laissons filer les choses ou si nous les prenons en main, chacun à sa place et sur le long terme.
Je vous remercie.