En préambule, je voudrais dire que le problème de l’A 45 est le miroir de l’incohérence d’une grande majorité des élus et décideurs.
D’un côté de ce miroir, l’Etat s’engage à réduire de 10% les émissions polluantes dues aux transports et adopte une « stratégie nationale pour le développement durable » sur cinq ans. De l’autre côté du miroir, il étrangle financièrement les associations écologistes, l’Ademe, les Parcs naturels régionaux et de plus demande la construction de la A45, en contradiction avec les engagements sur les changements climatiques pris à Kyoto en 1997 aux Nations Unies.
Quelle schizophrénie !
un petit historique :
La A47 est une autoroute qui a été étudiée en 1933 mais la situation économique puis la guerre ont empêché sa construction.
Antoine Pinet a repris ce projet pour réaliser la 1ère autoroute de France bien avant la Loi de 55 donnant le statut de cette infrastructure. A cette époque déjà, élus et industriels supputaient que tout autoroute était synonyme d’emploi. Aussi le tracé de cet axe s’est appliqué à traverser Givors, surplomber Rive-de-Gier et couper en deux Saint-Chamond et St Etienne.
La A47 était la déclinaison du concept de « l’autoroute à la porte des entreprises ».
Mais curieusement c’est au moment de la mise en service de l’A47. sur toute sa longueur que l’emploi a commencé à décliner de Givors à St Etienne (sidérurgie, activités minières, mécanique).
Depuis, presque rien a changé, sauf le contournement de St Chamond et l’élargissement à 2×3 voies de St Chamond à Saint Etienne.
Actuellement, l’A47 est une autoroute vétuste : Nous sommes tous d’accord à ce sujet, mais qui est responsable ?
L’Etat tout d’abord car il en a longtemps négligé l’entretien, et n’a pas voulu l’adapter aux normes d’une autoroute d’aujourd’hui. Mais aussi les élus de tous bord, qui depuis des années, réclament l’A45 et ne sont jamais intervenu pour que l’amélioration de l’existant soit une priorité. Il a fallut presque 30 ans pour voir apparaître les premiers murs anti-bruits.
l’ A45 apportera-t-elle de l’emploi ?
Pour corroborer mon analyse je vais simplement citer Yves Crozet directeur du Laboratoire Economique des transports à Lyon II :
– Tout d’abord lors de la réunion de novembre 2001 à Saint-Etienne : « Il ne faut pas croire au miracle. Des entreprises s’implanteront, d’autres partiront », d’autant que dans le cas d’une autoroute reliant deux villes n’ayant pas la même importance, il y a un effet de pompe qui profite à la ville la plus importante et aggrave le déficit de la ville la plus petite.
– Ensuite dans sa conclusion du rapport Bron demandé par Monsieur Barnier alors ministre de l’environnement, Yves Crozet avait dit : « L’A45 n’est pas une bonne solution pour ramener des emplois dans la Loire et assurer l’avenir économique de la région stéphanoise car selon les techniciens de l’économie des transports, Lyon plus attractive bénéficierait davantage de la liaison rapide. »
Le département de la Loire, si durement touché par le chômage doit-il se résoudre à payer très cher une infrastructure inutile qui accélérera la délocalisation de l’emploi vers Lyon ?
Sommes nous condamnés a voir passer les emplois sur une autoroute trans-européenne payante et non rentable dont nos collectivités devront endosser le passif financier ?
Pensez vous réellement que si l’A45 avait été faite les fermetures des entreprises Chavanne Kétin, Creusot-Loire, Mikawa, Atelier, Trouillet, et peut-être Giat Industrie n’aurait pas eu lieu ?
A ce propos, le taux élevé du chômage à Givors -ville cernée par les autoroutes- est éloquant
Et que dire des nuisances de l’A 45, ravageuse de territoires arboricoles de qualité qui assurent un développement rural en créant de nombreux emplois.
L’A 45 décongestionnera le trafic de l’A 47 ?
Non.
Je cite les chiffres que l’on trouve en page 62 du rapport de ce jour :
o en 2000 : de 55 000 à 70 000 véhicules / jour sur l’A47
o de 39 000 à 70 000 en 2020 avec l’A45.
Soit aucune diminution de trafic avec les mêmes maximums attendus, caractéristiques des embouteillages actuels en heure de pointe.
De plus, les estimations de trafic sont volontairement truquées :
Un dossier voit le jour en octobre 1993 avec des prévisions catastrophiques : 114 300 véhicules / jour sur la A47 à l’horizon 2010.
Aujourd’hui, on retombe a 83 000 véhicule / jour en 2020 toujours sans A45 cela fait 38 à
40 % d’erreur.
Quelle fiabilité accorder aux études prévisionnelle? Un rapport de la cour des comptes de 1999 dit aussi que lors des études APS sur les structures autoroutières les trafics sont volontairement majoré par contre le coût de revient est minoré parfois jusqu’à 30 %.
Une manipulation grotesque proposée !
Le trafic de transit, qui est une référence pour l’Etat, est de l’ordre de 20 % actuellement sur
l’A 47, car Saint Etienne est un « cul de sac » économique comme Grenoble.
Ceci signifie, que l’A 47 n’est pas une autoroute interurbaine classique dans sa fonction, mais une autoroute urbaine (Voie Rapide Urbaine ou VRU) reliant deux grands pôles urbains à une distance de 55 km seulement.
Suite à toutes ces évidences, les opposants à ce projet sont enfin entendus quand ils affirment que l’A45 est une infrastructure non rentable.
Mais au lieu d’en tirer les conclusions qui s’imposent et d’abandonner ce projet ruineux alors que la misère progresse en France, on procède à la théorisation de l’erreur.
En effet l’A 45 n’étant pas attractive vue la présence de l’A47, on décide de déclasser l’A47 en boulevard urbain pour obliger les automobilistes à emprunter et à rentabiliser une structure payante.
Et qui va devoir payer la requalification de l’A 47 en boulevard urbain ?
Sûrement pas l’Etat qui n’a même pas les moyens de financer l’A 45. Il y a fort à parier que ce sont les collectivités locales qui devront une fois de plus gaspiller l’argent public sur ce projet.
Enfin, l’A 45 sera bien l’autoroute des riches car en ce qui concerne le prix du péage, il en coûtera environ 230 € par mois pour un stéphanois travaillant à Lyon.
En conclusion, Madame la présidente, je vous demande d’être cohérente .
La consultation que le Conseil régional a initié pour connaître l’avenir souhaité par les rhônalpins en 2020 a montré que 70% des personnes consultées demandent un environnement sain, 60% des réponses souhaitent le développement du ferroviaire.
Et que dire de votre intervention dans le débat parlementaire sur les grandes infrastructures de transport ou vous avez conclu votre intervention par l’affirmation : « au moment ou la maison brûle, pour reprendre l’expression employée par le chef de l’Etat à l’occasion du sommet de Johannesburg, la France ne peut manquer, pour les transports, le double rendez vous qui nous attend : celui du respect des engagements de Kyoto et celui de la grande Europe réunifiée. »
Alors chiche, Madame la Présidente, accordez votre communication avec vos actes et votez l’amendement à ce rapport que le groupe des Verts propose et qui est une véritable alternative de développement durable pour empêcher « la maison de brûler».
Merci pour votre attention.
Jean Philippe Bayon