Monsieur le Commissaire Enquêteur pour l’enquête publique sur le Barrage des Plats
Dans le cadre de l’enquête publique en vue de la réhabilitation du barrage des Plats situé sur la commune de Saint Genest Malifaux dans le département de la Loire, je soussignée, Anne de BEAUMONT, habitant au 9 rue de l’ancien Réservoir à Firminy, tiens à porter à votre connaissance les éléments de réflexion suivants.
En tant qu’habitante de la commune de Firminy, je suis extrêmement choquée face à ce projet de gros travaux, disproportionné tant dans les deniers publics qu’il mettrait en oeuvre, que par un raisonnement erroné sur les besoins en eau qui justifieraient ce nouvel ouvrage.
J’ai assisté à de nombreux débats portant sur ce barrage des Plats et sur les alternatives possibles et je voudrais d’abord m’étonner que dans ce débat, il n’y ait pas plus d’interrogations sur les réels besoins en eau pour l’avenir.
De la même façon que pour les besoins d’énergie, il faille d’abord chercher à réduire nos besoins énergétiques avant de voir comment satisfaire ces besoins par diverses techniques, il me paraît essentiel de questionner cette première approche.
– Déjà selon les chiffres dévoilés dans divers rapports, il apparaîtrait que les consommations en eau commenceraient à se stabiliser depuis quelques années, voire à baisser.
– Mais surtout, à aucun moment, il n’est imaginé un scénario mettant en avant des investissements publics dans chaque commune concernée par ces besoins en eau, qui permettraient une récupération en grande dimension des eaux pluviales (et non intimiste comme actuellement) pour les besoins d’eau non potable (arrosage des jardins, nettoyage des rues, protection incendies, voire chasses d’eau des logements publics et pourquoi pas aussi du parc privé). Pourtant des expérimentations ont déjà lieu pour des logements sociaux (cf OPH de Firminy avec logements du secteur Fayol) notamment pour permettre cette récupération des eaux grises pour des besoins sanitaires, voire pour les lave -linge. Pourquoi ne pas envisager un plan massif d’équipements publics sur ce domaine, qui permettrait de réduire de façon très conséquente nos besoins en eau fournie par le réseau d’eau potable ?
– Il existe également de nouvelles approches agricoles qui prônent le recours à des espèces végétales locales et moins gourmandes en eau, le retour à des techniques d’irrigation plus intelligentes et nécessitant moins ces arrosages massifs et honteux en pleine chaleur et l’utilisation plus systématique du paillage des plantations permettant aussi d’économiser des arrosages. La création d’îlots de fraîcheur dans les quartiers et les bourgs peut être aussi de nature à réduire à terme l’évaporation de l’eau.
– Une réflexion devrait se mener aussi comme cela se pratique dans d’autres collectivités sur des facturations évolutives de l’eau selon le type de besoins : un tarif de base accessible à tous pour les besoins élémentaires d’une famille, un tarif plus dissuasif pour les besoins en eau de type plus industriel ou agricole (irrigation massive) et pour taxer les propriétaires de piscines privées, …
– Enfin, il semble que de nombreux réseaux publics d’eau connaissent des taux de fuite importants. Il serait peut-être opportun de s’attaquer d’abord à la réfection de ces réseaux pour réduire de façon drastique ces pertes d’eau dans la nature.
Ce raisonnement sur les besoins et sur une gestion sage en eau est d’ailleurs porté par le rapport précis de la DREAL « La justification de la reconstruction du barrage en travers de la Semène est basée sur le fait que les interconnexions sont à ce jour insuffisantes pour alimenter la population desservie par le syndicat. Les pertes du réseau et les possibilités d’économie d’eau constituent dès lors un sujet à part entière à traiter rigoureusement. Il conviendrait que la collectivité s’engage dans une réhabilitation du rendement des eaux et qu’elle s’inscrive ainsi dans les objectifs du SAGE, d’une gestion efficace, économe et durable de la ressource en eau».
Deuxièmement, ce projet est démentiel dans ses coûts définitifs et il est très étonnant que des élus locaux qui passent leur temps à prôner auprès de leurs administrés, la rigueur budgétaire, soient aussi enclins et pressés à utiliser des financements publics extérieurs de l’Etat (744 000 €), de l’agence de l’Eau (1 860 000 €), des Conseils Généraux de la Loire (250 000 €) et de la Haute Loire (353 000 €). Il ne faut pas oublier quand même qu’une grande partie du financement de ce projet se ferait sur un emprunt (2 993 000 €), emprunt qui aura bien évidemment un impact sur la dette des communes concernées par ce projet et sur le coût de l’eau supporté par l’usager. Ces chiffres sont réellement indécents en pleine période de crise financière, quand on connaît les difficultés d’accès aux emprunts, au coût croissant des ces emprunts (avec les intérêts de la dette), aux risques liés à l’endettement et aussi à tous les autres besoins d’équipements publics qui ne pourront pas être satisfaits à cause de cet emprunt.
Ces dépenses publiques paraissent d’autant plus indécentes que d’autres alternatives sont possibles qui occasionneraient de moindres coûts.
Troisièmement, il apparaît que les défenseurs du Barrage des Plats sont tellement sûrs d’eux, voire péremptoires dans leurs certitudes, qu’ils n’ont pas étudié de façon suffisamment objective, (avec notamment des comparaisons malhonnêtes entre coût HT et cout TTC selon les hypothèses) l’ensemble des scénariis alternatifs.
– Raccordement à la conduite du Lignon. Selon le rapport de la DREAL, « il s’est avéré que la conduite de secours du SYMPAE croise la conduite forcée à proximité d’une vidange et le raccordement des deux conduites serait possible. Les pompes prévues pour la deuxième ressource seraient suffisantes. La ville de St Etienne donnerait son accord. … »
– Convention de dépannage avec la Ville de St Etienne (avec engagement de la Ville de St Etienne pour une convention renouvelée avec cette commune pour une durée longue de 20 ans permettant de conforter le secours en eau avec des conditions financières similaires à celles pratiquées aujourd’hui).
– Pompage Loire à Confolent. Encore une solution « oubliée » dans le dossier du Syndicat des Barrages ! Pourtant, en novembre 2011, le SYMPAE et Aurec ont engagé l’étude d’une solution alternative qui consiste à injecter de l’eau du pompage de Confolent sur la canalisation du Lignon, en cas de non alimentation de cette conduite… L’étude en cours évalue un raccordement lors de la rencontre entre cette canalisation et le Lignon, ce qui impliquerait a priori un réservoir et un suppresseur. Par ailleurs, l’usine de potabilisation du SYMPAE, mise en service en 2010, dispose d’une capacité de production de 14 000 m3 /jour. Elle fournit actuellement 3 200 m3 /jour, soit le quart de sa capacité potentielle. Le SES utilise environ 1 000 000 de m3 par an pour assurer l’alimentation des communes adhérentes, ce besoin correspond à 2 700 m3 /jour. Sans nier l’émergence de nouveaux besoins notamment sur les communes du plateau de Saint Genest-Malifaux, cette fourniture d’eau du SYMPAE au SES ne ferait pas dépasser la moitié de la capacité nominale de l’usine du SYMPAE. La mise en place de cette conduite entre le SYMPAE et le SES permet aussi de sécuriser les deux communes de Saint Didier en Velay et la Séauve sur Semène qui utilise l’eau de la Semène par un captage au fil de l’eau.
Il peut être utile de s’interroger pourquoi les partisans du Barrage des Plats soient si pressés de commencer les travaux. Est invoquée la raison de gagner une année avec la période hivernale qui gêne les travaux. Mais voilà plusieurs années que nous fonctionnons sans l’eau du Barrage des Plats, sans que cela n’engendre de difficultés insurmontables : Alors pourquoi ce catastrophisme et cet empressement ? Si ce n’est d’empêcher que puissent être étudiés vraiment sérieusement les scénarii alternatifs.
D’ailleurs dans le rapport très officiel de la DREAL, il est bien mentionné qu’ «il est fait référence au projet d’alimentation de secours engagé par le SYMPAE à partir de la Loire, au lieu dit «Confolent» sur le territoire de Beauzac. Cette alternative est toutefois abandonnée dans la mesure où elle ne permettrait pas d’assurer une sécurisation pour le Syndicat des barrages. Or les raisons avancées dans l’étude d’impact mériteraient d’être approfondies».
Quatrièmement, au niveau écologique, et comme le dit clairement le rapport de la DREAL, «le rétablissement du barrage aura un impact conséquent sur la continuité biologique».
– Toujours selon le rapport de la DREAL, «la proposition ainsi retenue représente un recul du point de vue environnemental, au vu d’un gain qui paraît limité, à savoir environ 140 jours de sécurisation de l’alimentation en eau potable deux années sur dix sept ».
– La reconstruction du barrage des Plats aboutirait à une dégradation de la qualité des eaux et de la richesse biologique de la rivière Semène. Suite à la vidange précipitée de 2005, cette rivière qui serpente dans les départements de la Loire et de la Haute-Loire, est la seule du bassin stéphanois à couler quasiment librement, depuis sa source dans le PNR du Pilat jusqu’à sa confluence dans le fleuve Loire. De ce fait, la qualité de ses eaux, sa richesse biologique se sont beaucoup améliorées. La Semène est en train de devenir sur le bassin de la Loire, un modèle de cours d’eau renaturé, retrouvant ce « bon état écologique » vers lequel nous fait tendre, depuis 2000, la Directive Cadre sur l’Eau de l’Union Européenne. Il serait vraiment dommage de revenir en arrière.
Quant aux remarques de gens peu instruits disant qu’il faut s’occuper des humains, avant les poissons, il ne faut pas oublier que le respect de la biodiversité de notre environnement est aussi une condition essentielle de la survie de l’espèce humaine. Toute disparition d’espèces végétales ou animales représente une perte dans la chaîne alimentaire aux conséquences humaines multiples.
Il existe aussi la question non réglée du transport sédimentaire : Toujours selon le rapport de la DREAL : «Le coût de la gestion sédimentaire, via le transport par camion notamment, n’est pas évalué dans l’étude d’impact. Ce point aurait pu être davantage étudié au vu d’expériences analogues, et son impact environnemental précisé». Par ailleurs, «la réintroduction de sédiments dans le cours d’eau pourrait avoir un impact sur la turpidité de l’eau à l’aval du barrage… L’estimation du coût de la mise en place d’une unité mobile de traitement se limite à prendre en compte les frais de fonctionnement de cette unité de prétraitement, alors que les travaux associés à son installation et la location de l’unité mobile sont bien plus onéreux» (extrait du rapport de la DREAL)
Enfin, cinquièmement, «la qualité de l’eau prélevée pour la consommation humaine doit faire l’objet d’une attention particulière. Toujours dans le rapport de la DREAL, il est noté que « L’ARS insiste sur la nécessité de mettre en oeuvre les meilleures techniques permettant de préserver la qualité des eaux brutes prélevées dans le barrage, compte tenu des risques pour la qualité de l’eau liés à la présence de boues accumulées au droit de l’ancienne retenue » … « Par ailleurs, les mesures relatives à la gestion des sédiments en place dans la retenue ne sont pas cohérentes avec la stabilité annoncée du talus »… « si la stabilité des sédiments n’est pas démontrée par des tests de lixiviation, ils devront être évacués avant la remise en eau de la retenue. … Il serait également pertinent d’intégrer à l’étude d’impact, le coût des mesures de protection de la ressource en eau du barrage des Plats»
En conclusion, il apparaît, surtout à la lecture du rapport de la DREAL, que « le document est perfectible du point de vue de la prise en compte de l’environnement » et de nombreux points ne sont pas assez précisés :
– inventaires à réaliser pour préciser l’impact sur les espèces protégées.
– L’argument principal de sécurisation de l’alimentation en eau potable reste faible, sur le fond comme sur la forme. L’élargissement de la sécurisation de l’approvisionnement en eau, au-delà du périmètre des deux seuls syndicats, aurait mérité d’être étudié.
– ….la mise en dérivation de la retenue par un canal naturel présentait de meilleures garanties que le système retenu.
– Le débit réservé de 83,5 l/s en tout temps pose question…
– L’étude sur le transport sédimentaire reste à compléter et à préciser…
J’apprends par ailleurs que lors de la réunion du comité de rivière Ondaine- Lizeron du 10 novembre 2011, une majorité des membres présents a proposé la mise en place d’une réflexion dans le but de rechercher une solution globale.
A ce jour, il n’y a donc pas consensus, ni de la part de la DREAL qui fait autorité sur les évaluations environnementales, ni de la part des membres du comité de rivière Ondaine- Lizeron qui souhaitent une solution globale.
Pour l’ensemble de ces raisons, je me prononce totalement opposée à toute précipitation pour envisager dès maintenant une réhabilitation du barrage des Plats proposée par le Syndicat des barrages. Il est urgent d’attendre !
Anne de BEAUMONT, conseillère municipale et communautaire d’Europe Ecologie Les Verts