
Nous partageons la remarque introduite par le Front de Gauche à propos du point 3 qui fait référence à la compétitivité, car nous croyons qu’il induit une hiérarchisation implicite des étudiants étrangers : il y aurait ceux que nous soutiendrons au prétexte qu’ils auraient tous les critères pour participer à la compétitivité économique les autres qui seraient exclus parce qu’hors course !!
Ce vœu de l’exécutif régional est important à défendre dans cette assemblée. Depuis la publication de la circulaire du 31 mai 2011 relative à l’immigration professionnelle, la « circulaire de la honte », et le décret du 6 septembre 2011, ce sont 25 000 diplômés étrangers hors UE de l’université et 8 000 des grandes écoles qui se retrouvent désormais sous la menace d’une expulsion.
Menacés d’expulsion parce que le gouvernement a décidé de durcir les conditions de délivrance des autorisations de travail et de séjour pour les diplômés étrangers, et cela au mépris des conventions internationales. Ces étudiants viennent en France avec l’envie de découvrir ce pays « au grand rayonnement culturel et artistique », comme on se plait à le dire, avec le désir de suivre et d’enrichir une formation universitaire, de se projeter dans un avenir professionnel qu’il soit réalisé ici ou ailleurs, peu importe. Des étudiants qui, comme tous les étudiants du monde, ont compris que la mobilité internationale est un facteur important dans la construction de leur projet professionnel et de leur épanouissement personnel.
Sans aucun doute trouvons-nous parmi ces étudiants étrangers, intégrés, et menacés par la circulaire, des professionnels de santé et sans lesquels de nombreux services médicaux ne fonctionneraient pas, des étudiants qui contribuent au développement de la recherche dans nombre d’université ou grandes écoles, des étudiants qui offrent leurs compétences au service de nombreuses entreprises. Sans doute trouvons-nous parmi ces étudiants des demandeurs d’asile que notre gouvernement n’aurait aucun scrupule à renvoyer au pays ! Nous avons tous rencontré au moins une fois l’un d’entre eux.
Quelques chiffres : la France, le soi disant le pays d’accueil, est le 3e pays d’accueil au monde des étudiants étrangers
Ils représentent 12% de la population totale estudiantine, soit 284 659 personnes qui paient des frais d’inscription, qui vivent en France et qui permettent à de nombreux établissements d’enseignement supérieur de développer et de valoriser leurs filières disciplinaires comme leurs activités de recherche. Aujourd’hui, 40% des doctorants ne sont pas Français ! Nombre de laboratoires de recherche ne pourraient se développer sans cet apport.
Ces étudiants étrangers, et notamment ceux issus des pays en développement, voient leur rêves et espoirs de réussite professionnelle, de mobilité sociale se fragiliser et se briser dès qu’ils arrivent en France. Parce qu’en France, le 3 ème pays d’accueil des étudiants étrangers, on déchante bien vite. Dans les couloirs des préfectures, ils subissent l’humiliation, comme tous les étrangers. Dans les couloirs des préfectures, ils comprennent bien vite qu’ils ne seront qu’un numéro de dossier et ce que veut dire « la décision est soumise à la discrétion du préfet ». Depuis la publication de cette circulaire, nombre de témoignages expliquent que les préfectures exercent des pressions auprès des employeurs pour limiter l’accès au travail des étrangers et donc le droit au séjour en France. Nous ne croyons pas que les deux millions de français vivant à l’étranger subissent le même traitement !
Mais nous ne sommes pas dupes. Cette nième mesure contre l’immigration ne surprend malheureusement personne. Hypocrite, xénophobe, elle est à mettre dans l’argumentaire des idéologues de la théorie de l’invasion : des idéologues qui, jusqu’au plus haut sommet de l’état, et pour des raisons strictement électoralistes perdent leur temps, à Grenoble ou ailleurs, devant les médias à faire de la rhétorique, à stigmatiser, humilier et surtout à fabriquer des boucs émissaires plutôt que de s’occuper des vrais questions sociales, économiques et de l’urgence écologique.
Cette circulaire de la honte, tombe à point pour faire oublier deux secondes qu’en France, le gouvernement est dans l’incapacité totale de trouver la moindre solution pour faire baisser les chiffres du chômage.
Alors et comme un grand classique, nos ministres vont nous expliquer les vieux trucs habituels (des années 30 et 40) : que l’afflux de migrants aggravent les difficultés sociales des populations « nationales » et des immigrés déjà installés ! Quand bien même tous les travaux conduits sur l’intégration des immigrés en France, démontrent l’absence de lien direct entre l’intensité des flux migratoires et les modalités d’intégration des immigrés ou encore la montée du chômage en France.
Nos ministres s’acharnent à faire croire aux Français que nous serions envahis, alors que deux tiers des migrations internationales se jouent dans des relations sud-sud, alors que le migrant est le premier acteur du co-développement et que le montant des transferts de fonds à l’actif des migrants, est trois fois supérieur à l’aide publique au développement ! Là est la vraie question qui permet de comprendre la fuite des cerveaux et les injustices sociales dans un monde globalisé !
L’immigration est un facteur important de dynamisme démographique et de développement social, économique et culturel. Facteur de dynamisme démographique car on oublie trop souvent que l’immigration est une aubaine démographique pour les pays de l’UE et leurs populations vieillissantes. Autrement dit, l’immigration ne coûte pas aux pays d’installation : elle rapporte aux économies nationales.
Il y a en France une odeur nauséabonde et aujourd’hui,l ’image de la France à l’extérieur de ses frontières est profondément ternie ! Il est temps de sortir de l’hypocrisie.
Cette circulaire comme toutes celles qui les précèdent, nous oblige à réformer résolument la politique d’immigration en France, et de passer, dès 2012, d’une politique sécuritaire, d’une politique d’immigration sélective et choisie à une toute autre politique résolument fondée sur le respect du droit à la mobilité humaine, dans un espace mondialisé. Et d’envisager une toute autre politique de droit commun d’accueil des migrants résolument plus globale et transversale et articulée aux domaines du logement, de la santé, de l’éducation et de l’emploi, constituant les véritables leviers de l’intégration.
Lela Bencharif, Vice-présidente de la Région Rhône-Alpes