
En ce jeudi 10 mars, nous, élus communautaires de St Etienne Métropole, nous voici à nouveau appelés à délibérer pour ou contre le financement par notre Communauté Urbaine de ce monstre du Loch’ ness qui hante depuis tant d’années déjà, et qui alimente les fantasmes de certains, en faisant croire en un désenclavement de la Région stéphanoise dans ce grand territoire rhônalpin, proche de l’Auvergne.
Fantasme d’abord bien coûteux financièrement, qui va plus encore saigner les contribuables de ce territoire métropolitain : Entre la part payée par SEM, celle par le Département, celle payée peut-être par la Région, ce sont TOUJOURS des CONTRIBUABLES qui paient, même si ce sont dans des caisses différentes. L’addition pour les contribuables est donc vraiment salée ! Ce qui ne nous empêche pas, nous les élus de nous gargariser de grands principes qu’il ne faut pas trop de pression fiscale en ces périodes de crise économique ! Et tout ça, pour épargner les bénéfices d’une société privée qui applique le principe bien connu : les risques pour le secteur public, les bénéfices pour le secteur privé !
Fantasme bien risqué pour les budgets de notre communauté Urbaine ! Dans une période où chacun de nous dans nos communes, devons rogner jusqu’à des petites dépenses de l’ordre de mille euros, pour éviter à nos collectivités locales d’être mises sous tutelle de l’Etat, faute d’équilibrer nos budgets. Si on regardait toutes les politiques publiques qui seront sacrifiées pour financer ce « projet inutile »! Si on rêvait un instant à tout ce que nous pourrions entreprendre avec cette manne qui pourrait s’envoler en fumée dans un projet d’une autre époque !
Fantasme pour un projet financier bien incertain ! L’évaluation de 1 200 M€ est faite sur une valeur de 2004. Même si dans la délibération, M. PERDRIAU vous proposez « valeur septembre 2014 », il n’en reste pas moins que le prix de la construction ne peut qu’augmenter. Si ce projet se réalisait, qui paierait le surcoût ? De plus, ce genre de projet est toujours sujet à des coûts inattendus, qui paierait aussi ? Par ailleurs, la construction de l’A45 serait accompagnée d’une déqualification de l’A47 en boulevard urbain. Le programme A45 prévoit en plus des travaux sur l’A47, une compensation pour la baisse de trafic ferroviaire (un second pont à Givors,…) : qui paierait ? Une autoroute comporte également beaucoup d’aménagements de voies locales : qui paierait ? Il est aussi prévu d’engager les collectivités territoriales dans des aménagements paysagers dont le montant est fixé à 1% du coût total ; faudrait-il aussi prévoir ces sommes dans les budgets ?
Fantasme bien schizophrène, au moment où les engagements de la COP 21 nous imposent de réduire la production de nos gaz à effet de serre et où notre Communauté urbaine s’est engagée dans un appel à projets « Réseau des Villes respirables ». Quelle cohérence de nos choix politiques ?
Fantasme bien irréaliste, au moment où le Maire de Lyon, Président du Grand Lyon, décide de déclasser les axes routiers qui entourent la Ville de Lyon, ce qui a pour conséquence de faire aboutir la sortie de l’A 45 en plein cœur des bouchons de Pierre Bénite. On éviterait les bouchons de Givors, pour avoir ceux de Pierre Bénite !!! Quel gain de temps pour des milliers de véhicules ? Quelle pollution supplémentaire et quels travaux engagés pour un aussi piètre résultat !
Fantasme de « se croire plus grosse que le bœuf », en osant s’engager dans des budgets totalement délirants (plus de 200 millions d’euros pour notre communauté urbaine !). Et dans quelle irresponsabilité nous plongerions-nous, si nous nous mettions à croire, en une promesse seulement verbale, du nouveau Président de Région Auvergne Rhône Alpes, qui se serait engagé à participer au financement de cette A 45 ! Comment peut-on croire une telle promesse verbale, sur des millions d’euros, sur la parole d’un seul homme, tout Président de Région soit-il ! N’oublions pas qu’un tel engagement financier doit être voté par l’Assemblée régionale des élus ! En période budgétaire, où tant de politiques publiques sont menacées, rognées ou disparaissent faute de moyens, comment penser que les élus régionaux mettront en avant cette autoroute illusoire, au détriment de politiques pour les lycées, pour la formation professionnelle, pour l’emploi, pour l’agriculture, pour la transition énergétique ?
Fantasme de croire qu’on peut sauver l’économie du territoire avec une autoroute supplémentaire ! Oui, car rappelons-nous bien qu’une autoroute qui relie deux pôles économiques, un fort et un plus faible, profite toujours au pôle le plus fort, soit dans notre situation, laisse plus de retombées économiques à l‘agglomération Lyonnaise. Donc chimère totale que de croire en ce mirage économique par l’autoroute mythique ! Et d’autre part, qu’est-ce que ce développement économique d’un territoire qui, pour satisfaire les lobbies d’entreprises ligériennes, sacrifierait des centaines d’hectares agricoles au bitume, en supprimant de nombreux emplois agricoles, avec notamment l’impact énorme sur notre arboriculture locale ! Et ces terres agricoles en moins, c’est autant de risques de ruissellements abondants et de pollutions supplémentaires.
Fantasme de croire que nous, les élus, pouvons encore être crédibles aux yeux de nos concitoyens, alors que nous ne savons pas respecter nos engagements précédents : En octobre, de nombreux élus de SEM ont accepté de signer ce « pacte pour la transition », pour témoigner devant nos concitoyens de l’importance que chacune de nos communes s’engage à des actions climat sur son territoire. Et nous voilà aujourd’hui, tentés pour certains,d’oublier ces engagements essentiels climatiques, pour satisfaire des lobbies et financer de façon irresponsable, ce que nous, les écologistes, qualifions de « grand projet inutile ». Comment nos concitoyens peuvent-ils encore nous croire, quand six jours sur sept, nous leur expliquons nos difficultés à faire face à ces réductions drastiques de l’Etat dans nos dotations budgétaires et que le septième jour, nous lâchions 200 millions d’euros sans frémir, pour aller dans cette nouvelle fuite en avant ? Et en rajoutant ces 200 millions d’euros au budget d’investissement, déjà très lourdement impacté par le projet de 3è ligne de tramway ? Nous ne pouvons pas financer ces deux projets ! Il faut choisir ! Pour nous, les écologistes, entre la route et le tram, le choix est évident !
Et aussi fantasme de croire que ce projet ne pèse pas sur l’empreinte écologique de notre territoire ! Avec cette autoroute nouvelle qui supposerait de nouveaux déplacements (20 % de trafic supplémentaire), donc autant de surconsommation de carburants fossiles, plus de pollutions et plus de GES et des dépenses nouvelles en matériaux carbonés ? En nous obstinant dans cette société carbonée à l’heure où les chercheurs du GIEC nous invitent à inventer une société sans énergies fossiles !
Monsieur le Président, chers collègues, entrons dans le XXIème siècle par la grande porte, en investissant dans les transports propres comme le tram, dans l’inter-mobilité durable, et dans les démarches permises par le projet « Territoire à Energie Positive », TEPOS ou TEP / CV … St Etienne Métropole est la seule agglomération française qui a vu progresser la part des déplacements en voiture. Si nous voulons être une grande Métropole européenne, nous ne pouvons aller à rebours de l’histoire. Si l’A45 se faisait, dans aucun cas, notre Plan de Déplacements Urbains ne pourrait respecter les objectifs rhônalpins et européens de dépollution de l’air. Ce fameux PDU qui date de 2004 et qui est en révision depuis plus de 2 ans, sans concertation réelle avec les associations ! Comment inscrire l’A 45 dans un PDU pas révisé ?
Aujourd’hui, il est donc temps de voter que nous n’acceptons pas d’endetter notre agglomération pour ce projet aussi incertain économiquement.
Si nous nous lançons dans un tour de table financier du projet, ne perdons pas de temps, trouvons les 100 millions d’Euros qui manquent pour la mise aux normes de l’actuelle A47 au droit de Rive de Gier.
. Finançons la réduction du bruit pour les riverains de l’A47 et la RN88.
. Travaillons ensemble pour que l’amélioration constante de la liaison ferrée se poursuive. Les efforts des collectivités ont payé, ne laissons pas la SNCF réduire les circulations sur cette voie comme elle a tenté de le faire pour le nouveau service 2016. Refusons que la Région se ruine dans ce projet coûteux et aidons-la à améliorer les transports en commun entre la Métropole lyonnaise et la métropole stéphanoise.
. N’oublions pas que l’A47 a un rôle essentiel de distribution sur la Vallée du Gier. La majorité des encombrements est provoquée par les trajets pendulaires domicile/ travail que l’A45 ne peut résoudre. C’est sur ce point qu’il faut faire porter l’effort de SEM, car même si l’A45 se faisait, il faudra quand même résoudre le problème du transport dans la Vallée et la traversée de Givors. En effet, 60% des déplacements dans la vallée du Gier sont réalisés en véhicules particuliers, face à 4% en transports en commun.
. L’argent des contribuables ligériens doit servir les Ligériens : les 840 M€ d’argent public prêts à être mis sur la table suffisent amplement à résoudre techniquement le problème de Givors, unique point d’achoppement : le passage en souterrain de Givors a été chiffré à 280M€
Le budget investissement total de SEM pour 2014 était de 104 M€ : Où faudra-t-il rogner encore dans les autres politiques publiques ?
Mesdames et Messieurs les élus communautaires : l’heure est grave ce soir ! Ce vote engage les générations futures, non seulement dans une dette financière injustifiable, mais aussi dans une fuite en avant toujours dans des projets carbonés qui nous orientent vers un réchauffement de la planète à un +3 ° inconcevable pour une qualité de vie pour les humains sur terre. Il est temps de se ressaisir et de renoncer à cette proposition déraisonnable de financer ce projet autoroutier inutile et dispendieux. Osons l’audace et le courage politique de parier sur la mobilité alternative et durable, sur d’autres choix de déplacements sur notre territoire ! Osons la cohérence de notre parole publique et de nos engagements politiques ! Dès ce soir, affirmons notre refus de plomber les ressources de notre agglomération stéphanoise et notre volonté de respecter notre PLAN CLIMAT de SEM pour participer à la mise en œuvre responsable des accords signés à la COP 21.
Anne de Beaumont, Conseillère communautaire Europe Ecologie Les Verts de Firminy