
Dossier N°34- Projet de Renouvellement Urbain
La politique de renouvellement urbain a été lancée par Jean-Louis BORLOO dans le cadre de son plan de cohésion sociale. Cette politique vise à modifier la représentation des quartiers en difficultés et à améliorer les conditions de vie. Elle consiste en des opérations de démolitions de barres construites dans les années 50-70, de requalification des quartiers et de reconstruction de l’offfe de logement sur place ou dans d’autres quartiers.
L’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) est l’outil mis en place par le gouvernement pour la réalisation de ce programme.
Face à cette opportunité à dimension nationale, il est essentiel d’en bien mesurer les intérêts et les limites.
1) Les opportunités du programme de renouvellement urbain
– Un investissement financier important dans le logement : alors que l’offre de logement reste très inférieure à l’offre, notamment pour le logement accessible aux bas revenus, la coordination de différentes sources de financement (Etat, 1%, collectivités territoriales…) au profit de la construction de HLM est positive. En Rhône-Alpes, c’est une programmation de 2,5 milliards de travaux qui est arrêtée d’ici 2013.
– Une coordination autour de l’emploi : tous les travaux doivent comprendre des opérations d’insertion économique, à raison d’un emploi par tranche de 1M€ de travaux, appliquant ainsi la clause d’insertion prévue par le code des marchés publics.
– La promotion de la QEB (Qualité Environnementale du Bâti) dans le logement et les aménagements : une telle masse de travaux avec un commanditaire centralisé (l’ANRU) est une situation favorable pour développer l’intégration des démarches de qualité environnementale tant dans le bâtiment (QEB) que dans les aménagements (AEU, ACV).
Cette préoccupation est mentionnée dans le règlement général de l’ANRU, sans précision toutefois. C’est une exigence de la Région dont les modalités d’application sont en cours de définition. Ce qui est en jeu est non seulement le respect de la RT 2005 (85 kWh/m²/an, mais aussi du facteur 4 (50 kWh/m²/an), souhaitable en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
2) Les risques
– Participer à une politique d’inspiration spectaculaire et fonctionnaliste : La destruction des barres marque les esprits et laisse croire que la dynamite supprime les problèmes des quartiers (voire détruit les quartiers et ses résidents). En outre, la mixité sociale (personnes de conditions différentes résidant dans le même quartier de manière harmonieuse et ouverte sur leurs différences) passe non seulement par la mixité de l’habitat, mais aussi par la construction de ces liens inter-personnels. Ils nécessitent du temps et des efforts (des collectivités publiques mais aussi de chaque habitant).
L’approche « renouvellement urbain » reste d’inspiration fonctionnaliste laissant croire qu’il suffit de prévoir des logements et des équipements mieux répartis sur le territoire, pour que des relations harmonieuses se créent.
La Région Rhône Alpes a décidé de favoriser la participation des habitants et de lier la politique de renouvellement urbain (ANRU) avec la politique sociale de la ville (CUCS) qui s’inscrit dans cette perspective. Ces exigences restent toutefois en deçà des enjeux qui portent sur la conception et les conditions concrètes du vivre -ensemble et dépassent nettement la question du renouvellement urbain comme, d’ailleurs, de la politique de la ville.
– L’accroissement de la crise du logement et de la ségrégation spatiale : détruire des logements alors que 3 millions de personnes sont mal logées en France est une aberration.
C’est pourquoi la Région ne participe pas financièrement aux démolitions.
En outre, il est important que l’amélioration des conditions de logements se fasse à loyer à peu près équivalent et dans une perspective de mixité de l’habitat. Pour contrôler cette quadrature du cercle, l’ANRU fait officiellement (pas assez dans les faits) preuve de vigilance et par exemple la Région impose la mise en place de « charte de relogement » avec participation des représentants des locataires.
– La recentralisation des décisions concomitante à une baisse de la participation financière de l’Etat : Même si les financements ANRU sont importants (plus qu’ils n’ont jamais été sur le renouvellement urbain), l’Etat, soumis à une raréfaction structurelle de ses marges de manœuvre budgétaire, met aussi à contribution d’autres financeurs et notamment la Région. Pour limiter le risque qu’il ne tienne pas ses engagements financiers, la participation de la Région est conditionnée à celle de l’ANRU.
De manière assez rusée, le gouvernement accroît sa marge de manœuvre décisionnelle bien qu’il investisse des sommes relativement limitées. Rompant avec la pratique de décision partenariale à l’échelle locale (comme dans les contrats de ville), le gouvernement a mis en place un système dont il est l’acteur central : l’ANRU cadre par décret le cahier des charges de l’ensemble du programme, négocie à l’échelle nationale avec les financeurs et, refusant d’entrer en relation avec des pouvoirs d’agglomération structurés, définit le détail de chaque projet dans un tête à tête inégal avec chaque maire.
En outre, le budget général de l’ANRU étant limité et aucune enveloppe n’étant proposée par ville, les communes sont mises en concurrence. Pour limiter cette recentralisation et cette mise en concurrence, la Région a signé un engagement global avec l’Etat, comprenant les priorités nationales et les priorités régionales : Une enveloppe complémentaire pour les plus petits projets comprenant peu ou pas de démolitions a été créée impliquant la Région, mais aussi l’Etat. De plus, la Région a laissé la liste des communes bénéficiaires ouverte pendant une durée longue .
3) Les enjeux à promouvoir
– Construire un partenariat avec les entreprises du BTP : Le marché du BTP est structurellement déséquilibré avec une demande (en construction de bâtiments et en aménagement d’espaces publics) supérieure à l’offre, aux capacités de travail des entreprises. Pour éviter que le programme de travaux soit inachevé et que les prix augmentent, il est nécessaire d’accroître l’offre.
La menace d’une concurrence extérieure, la perspective d’une amélioration de la compétitivité des entreprises (par l’intégration de la compétence QEB notamment), la capacité à accompagner la qualification de la main d’oeuvre sont pour les pouvoirs publics des arguments à faire valoir auprès des entreprises. A noter que le secteur du BTP est un des rares secteurs économiques où une politique keynésienne est possible (investir 1 € d’argent public rapporte 1,3 € de rentrée fiscale sans accroître le déficit du commerce extérieur) et qui présente une offre d’emploi supérieure à la demande.
– Promouvoir un urbanisme culturaliste et créatif : plutôt qu’une intervention « au karcher » des pouvoirs publics auprès des populations et de leur cadre de vie, il y a lieu de prendre la réalité comme elle est et de l’améliorer avec ceux qui y vivent.
Concernant l’amélioration des logements et du cadre de vie, il s’agit de réaménager les logements (plus d’espace, aménagement des pieds d’immeubles, isolation…), d’améliorer leur architecture (cf. Kroll et autres architectes « écologiques »), d’aménager les espaces publics avec des matériaux et des matériels de qualité. Ce sont d’autres choix budgétaires qui pourraient être opérés
4) Concrètement sur Firminy, l’ANRU est une opportunité intéressante pour continuer à désenclaver le quartier très hétérogène Layat, Abattoirs, Mas et pour le relier au reste de la commune. Pour cela, les priorités de la commune sur ce dossier doivent être
– D’abord créer de nouvelles possibilités de logements dans le quartier, avec diversification de l’offre de logements accessibles (petits logements sociaux, accession à la propriété, …) et tout ceci dans un respect des nouvelles exigences environnementales en matière de bâti : logements HQE , respect de la RT 2005 et du facteur 4, … qui permette à notre commune de s’inscrire dans une démarche de « lutte contre les dérèglements climatiques »
– Ne pas commencer par détruire des portions de barres d’immeubles avant d’avoir réussi d’abord à rétablir une offre suffisante de logements sur la commune et sur ce quartier.
– Inscrire cette création de logements et de revitalisation du quartier Layat, Abattoirs, Mas, dans une dynamique de création d’emplois locaux d’insertion, permise par la « clause d’insertion » qui doit être inscrite dans les marchés de travaux et nouveaux bâtiments impulsés à cette occasion
– Impulser des moyens importants et de l’énergie humaine en lien avec TOUTES les forces sociales du quartier (comité de quartier, Maison pour Tous, Epicerie de Layat, associations du quartier, …) pour qu’une plus grande vie sociale soit entretenue pendant toute cette période d’ « instabilité » pour les habitants : Ces derniers ne doivent pas vivre cette réhabilitation comme une tentative de dévalorisation ou de destruction des liens déjà existants. Il est essentiel de valoriser TOUTES les expériences positives du quartier et de créer une synergie intéressante entre elles. Dans cette perspective, des outils divers doivent être expérimentés dans ce quartier pilote : développement d’autres espaces avec jardins ouvriers, avec mise en valeur des plantations d’autres cultures alimentaires et culinaires, ouverture de terrains d’aventure pour les enfants ou adolescents, des petits espaces de quartier gérés directement par les habitants, un espace vert de qualité dans ce quartier actuellement peu vert, plus de commerces de proximité et évidemment une maison des services publics regroupant divers services actuellement non assurés dans ce quartier
– La mise en valeur du quartier avec des espaces collectifs de vie peut attirer à nouveau des populations qui ne voulaient pas vivre dans ce secteur et encourager à rester, ceux qui vivaient comme une « reclusion » d’être logés dans les tours de ce quartier. Il est essentiel d’y installer, comme dans d’autres quartiers, un gymnase / espace sportif pour faciliter l’occupation sportive des enfants du secteur. La transformation de la rue de l’Ondaine en voie Verte avec une grande voie réservée aux piétons et cyclistes et une voie automobile en sens unique, permettrait un accès mode doux et vert jusqu’aux proches gorges de la Loire.
– Face à l’existence de trois espaces scolaires éclatés (Bois de la Barge, Cordes et Mas), réfléchir avec les parents d’élèves à l’idée de créer une vraie unité scolaire de quartier avec une haute qualité environnementale et transformer certains de ces anciens locaux scolaires, en une Maison des Associations. Cette Maison permettrait aux associations actuellement sans local, ou avec des locaux trop précaires, de pouvoir regrouper leurs moyens avec mutualisation de certains matériels (photocopieuse, fax, ordinateur, messagerie électronique,…) et pourquoi pas une permanence partagée avec un bout de secrétariat commun ? Et la venue de diverses associations dans ce quartier contribuerait également à le désenclaver et à l’ouvrir sur les environs.
Anne de Beaumont, conseillère municipale des Verts