Culture // Réponses de Danielle Teil aux questions de Résilience // 17 mars 2021
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1 – Comment voyez-vous l’avenir de la vie culturelle, alors que de nombreuses propositions intéressantes et originales ont vu le jour chez nous à cause de la crise sanitaire ?

Tout d’abord permettez-moi une petite remarque avant de répondre à votre question : Le secteur culturel génère environ 2,5 milliards d’euros pour plus de 112 millions d’heures travaillées (emplois techniques ou artistiques) et d’après une étude de Pôle Emploi il comptait en 2019 276.884 intermittents.

Pour en revenir à votre question au sujet de l’avenir de la vie culturelle il faut partir je pense de ce qui s’est créé ou amplifié lors du confinement.
La dématérialisation sur les plateformes numériques a carrément explosé. Bien sûr des sites privés comme Netflix ont vu monter vertigineusement leur chiffre d’affaires mais les théâtres, les concerts, les Festivals, les médiathèques, tous les secteurs de la culture se sont aussi emparés de ce système. L’incertitude temporelle a encouragé et démultiplié les visios, le streaming et les retransmissions télévisées. Une chaîne publique Culture « Culture box » a même été créée temporairement. Tout ceci a largement contribué à augmenter nos connaissances. La possibilité de regarder un spectacle, quel qu’il soit, à l’heure que l’on souhaite, de revenir vers lui, nous a fait dans tous les domaines enrichir notre imaginaire.

Aujourd’hui il nous faut faire preuve d’adaptation et de diversification.

Cette forme de diffusion de la vie culturelle doit-elle perdurer ?

Personnellement je pense que oui car elle reflète une certaine ouverture au monde culturel, même si c’est par le petit bout de la lorgnette.

Prenons un exemple : les musées diffusent leurs expositions. Cela peut encourager ceux qui, justement n’entrent jamais dans un musée, à découvrir des œuvres.
En fait c’est tout un pan de notre culture qui est ainsi mis à la disposition de tous, sans distinction de classe sociale.
Bien sûr, ce n’est pas la panacée. De nombreux artistes sont actuellement sans travail et les intermittents voient avec terreur la fin de l’année blanche arriver, mais tous ceux qui gravitent dans le monde de la culture ont besoin, d’une part, de travailler en équipe et de retrouver cet aspect social du travail, et d’autre part, de retrouver leur public pour vivre pleinement leur art. Le public, lui, a besoin d’eux pour retrouver pleinement l’émotion qu’ils transmettent et vibrer avec eux. Cet équilibre peut justifier en partie l’œuvre de l’artiste et amener ce dernier à se surpasser. Il est donc vital que les manifestations culturelles sous toutes leurs formes se bousculent avec ce double paramètre artistes-public, dans le respect des mesures sanitaires bien entendu. Musées, cinémas, théâtres, etc … ont besoin pour vivre de leur public.

Y aurait-il des manifestations à particulièrement mettre en avant, voire à créer sur nos territoires ?

Certaines manifestations peuvent être mises en avant, voire recrées ou amplifiées.
Le théâtre hors les murs, par exemple, comme le pratiquait Jean Dasté, qui oblige à penser différemment la notion de public. Les rapports ne sont plus les mêmes, ils sont même inversés. Ce n’est pas un public averti qui se déplace pour voir un spectacle mais le spectacle et ses artistes qui viennent à lui. L’événement est à la portée de tous et il ajoute à ce qu’aurait apporté la plate-forme numérique le contact direct avec les artistes qui retransmettent et vivent l’œuvre. Il gomme aussi la question sociale et ouvre l’imaginaire de tous.
Cette forme théâtrale peut s’exercer sur des places ou encore dans d’autres lieux, comme dans les écoles ou sous des chapiteaux.
D’ailleurs le moyen lui-même, le chapiteau, semble très intéressant. IL permet une grande diversité de scénographies (le public autour du plateau, en face, en dessus, en dessous …). S’il est effectivement associé au cirque, il peut tout aussi bien accueillir de nombreuses manifestations culturelles, théâtre, danse, musique, marionnettes, lectures, expositions etc, bref, à peu près tout ce qu’on veut. Autre intérêt : il a un coût de revient modeste et un coût écologique très modéré. De plus, lors des implantations longues, des projets connexes peuvent lui être associés : accueil d’activités d’éducation artistiques et culturelles, partenariat avec des associations locales, expositions, ateliers… Mais ne nous en tenons pas là, renouons aussi et amplifions le cinéma en plein air.
Enfin, concernant la chaîne culturelle dite « éphémère » elle doit désormais bénéficier d’un statut définitif.

Quels doivent être, selon vous, les axes prioritaires pour pérenniser la vitalité de notre vie culturelle ?

Les axes prioritaires sont pour moi tout ce qui peut permettre au plus grand nombre de bénéficier de la culture sous toutes ses formes. Ainsi des festivals comme celui d’Avignon, le Festival de Cannes, les Francofolies de La Rochelle, les festivals de jazz ou de musique de La Chaise Dieu, demeurent des incontournables. Ces événementiels sont devenus, au fil des ans, de véritables institutions qui participent en outre fortement à l’économie de leurs régions.
D’autres axes sont également prioritaires comme les Centres d’Art dramatique nationaux et leurs écoles. Ce n’est pas sans raison que par exemple que les élèves – comédiens de la Comédie de Saint-Etienne se joignent à la lutte pour la survie des lieux de culture, des intermittents du spectacle et des travailleurs précaires. Il faut ouvrir l’avenir aux jeunes et cela passe en effet par le spectacle vivant.
Un dernier point qui me paraît important est l’éveil des enfants à la culture depuis le plus jeune âge. Ce besoin vital passe par l’école et l’éducation.

Enfin pour terminer, je dirai que les cinémas, les musées, les arts plastiques, mais aussi en règle générale, toutes les formes d’art, sont toutes prioritaires.
C’est notre « exception culturelle qui est en jeu » et c’est elle qu’il faut prioriser et protéger.

Danielle Teil, conseillère municipale Europe Écologie Les Verts de Saint-Etienne